Etude historique sur la commune de Tannerre

Canton de Bléneau

Par A. Dey en 1852

La haute antiquité de Tannerre est incontestablement son nom celtique, tann, (rivière au milieu des marais), et les tombeaux gallo-romains très nombreux qu’on rencontre aux environs, notamment au nord du bourg, ne laissent aucun doute à cet égard.

Son nom latin perdu dans l’oubli des siècles, et que nous avons retrouvé dans une charte de 1233 appartenant aux archives du château de Saint Fargeau, était Tanodorum. Cette charte était le document le plus ancien qu’il nous ait été possible de rattacher à l’histoire de Tannerre, comme son église en est le plus ancien monument. Les parties primitives de cette église, c’est à dire les murs de la nef, les lourds éperons qui les soutiennent en glacis évasés intérieurement en meurtrières, le portail ouest et sa fenêtre unique et ogivale masquée aujourd’hui par une tour d’un autre age appartiennent évidemment au XIIème siècle. L’église de Tannerre placée sous le vocable de Saint Martin est sans valeur archéologique, elle n’a qu’une nef voûtée en bois. Le cœur également voûté en bois indique le XVIème siècle par ces fenêtres ogivales à monceaux flamboyants. Indépendamment de la fête de son patron on y célèbre deux autres fêtes locales, celle des Reliques le quatrième dimanche après Pâques et celle de Saint Lazare le 2 septembre. Au XIIIème siècle Tannerre apparaît comme paroisse au diocèse de Sens et au doyenné de Courtenay comme juridiction à la prévotée de Villeneuve le roi et au bailliage de Montargis comme chatellenerie à la maison de Courtenay. Etienne de Courtenay, fils de Jean, seigneur de Tanlay et Marguerite de Plancy, en était seigneur en 1227 et plaidait à cette époque contre la reine Clémence et Jean de Courtenay seigneur de Champignelles. Il possédait en même temps sa seigneurie de Champlay.

Les armes de Tannerre sont de gueules à croix d’or.

Un essai informe et confus de révolution populaire venait d’être tenté pour la première fois en France, et le dauphin, régent du royaume pendant la captivité du roi, après avoir triomphé, non sans peine, des entreprises du peuple inconnu auparavant comme puissance politique, s’épuisait dans une lutte inégale contre les rois d’Angleterre et de Navarre. Des bandes de partisans formés de pillards de tous les pays ravageaient la France sous la conduite de capitaines audacieux. L’un d’eux l’Anglais Robert Knolles, s’était fait dans ce genre de guerre une chaude réputation de bravoure et d’habileté. Il possédait plusieurs forteresse en Bretagne et en Normandie, et disposait d’une colonne mobile de mile hommes d’armes, avec laquelle il réduisit bientôt Château-Neuf sur Loire, Châtillon sur Loing et vint camper devant Tannerre.

La seigneurie de Tannerre et celle de Champlay, indépendantes l’une de l’autre comme fief, mais contiguës et unies alors dans les mains d’un même maître, comme elles le furent constamment depuis, formant une importante possession féodale, dont Champlay était la place forte et Tannerre la richesse. Toutes deux relevaient en fief du château de Saint Fargeau.

Tannerre, à cette époque n’avait pas d’enceinte fortifiée, mais était resserré et protégé au sud par sa maison-fort assise sur la rivière du Branlin et au nord par la Motte forteresse de Champlay.

Le domaine utile de la chatellerie consistait en maison seigneuriale, en jardins, garennes, moulins et foulons, en six étangs, environ quinze arpents de bois et vingt cinq arpents de prés, en un grand nombre de masures et de métairies, exploitant ensemble prés arpents de terre, et six fiefs dont cinq avaient droit de haute justice.

Un de ces fiefs celui de Vacheresse mérite d’être cité, c’est sur ces terres que plus tard a été bâti par la suite le hameau des Cottez, assez important pour avoir une prévotée et une justice relevant par appel au bailliage de Champignelles.

Le domaine direct de Tannerre était également considérable, il consistait en droits de justice haute, moyenne et basse avec prison à garder délinquants, carreau, gibets patibulaires à pendre et punir de mort corporelle, en droit de banalité, de moulin, de four et de pressoir, en droits de foires, de marchés, de poids et mesures, de pêche et de bon vin, de garenne et de colombier, de péage d’épaves.

Les habitants étaient obligés de faire garde nuit et jour en la maison-fort. Le seigneur, indépendamment de tous les droits que nous avons énuméré et qui sont assez généraux, avait le droit particulier de faire visiter toutes les bêtes tuées à la boucherie pour en avoir les langues, et de prélever pour cause de souveraineté, une gerbe sur cent des blés et grains appartenant à la cure du lieu.

Il existait enfin à Tannerre une maladrerie et un hôpital pourvu de lits et de tout ce qui pouvait être utile aux malades.

Quant à Champlay son territoire n’excédait pas cent cinquante arpents, mais au centre de ce modeste domaine, dont les dépendances immédiates n’avaient pas soixante arpents d’étendues, s’élevait une puissante forteresse au XIVème siècle, une puissante forteresse dont nous avons étudié avec soin les derniers vestiges.

Elle se composait d’après les anciens actes de dénombrements parfaitement d’accord avec l’aspect des lieux. D’abord d’une enceinte générale, de fossés et de murailles formant un parallélogramme, dont le développement avait environ 130 mètres à l’est et 100 mètres du sud au nord. Deux forts et un fortin ayant chacun son enceinte particulière de fossés occupaient la partie nord-ouest de l’enceinte générale et ne communiquaient l’un avec l’autre que par des travaux souterrains.

Le premier fort situé à l’angle du quadrilatère avait un développement de 33 mètres sur 33. Le fortin placé en avant au sud, avait environ 12 mètres sur 12. Le second fort situé à l’est du premier, sur une ligne parallèle présentait une surface d’environ 33 mètres sur 40.

Le surplus de l’enceinte générale était occupé par des casernes couvertes et par une basse cour.

Tels étaient Tannerre et la Motte Champlay quand l’armée anglaise s’en approcha. Tel fut le premier obstacle quelle eut à vaincre pour s’ouvrir la porte de l’Auxerrois. Knolles résolut de s’emparer de la Motte Champlay, et de l’occuper militairement, attachant une haute importance à s’assurer ainsi une forte position qui put au besoin protéger sa retraite de l’Auxerrois à la Loire, par la vallée d’Aillant, Villiers Saint Benoît, Malicorne et Tannerre. Voici quelles furent à cet effet, ses dispositions. Le sol en a conservé les traces et nous avons pu les suivre et les relever exactement. Knolles plaça son camp, en un lieu actuellement boisé et appelé la garenne du Mouton. Il était protégé au sud est contre les sorties de la garnison de la maison-fort de Tannerre, par l’étang et les marécages placés entre ces deux points, et au nord-est contre les entreprises de celle de la Motte Champlay, par le Branlin, sur lequel il s’appuyait à 200 mètres de distance, et que défendait sans doute une tête de pont. Les 2 cotés accessibles, le nord-ouest en était l’entrée principale, et le sud-ouest s’ouvraient sur des pays déjà conquis et occupés. Le périmètre du camp était de 120 mètres au nord ouest.

Un accident de terrain ou quelque autre cause aujourd’hui insaisissable, a fait briser du coté du sud ouest la ligne droite de l’enceinte par une partie saillante d’environ 13 mètres sur 13.

Les travaux du siège commencèrent sans doute par l’établissement au-delà du Branlin, d’un ouvrage fortifié appelé garde du camp. ou tête de pont. Il ne reste toutefois aucune trace de ce poste avancé, mais à partir du point où l’on peut le supposer, un chemin couvert s’ouvrait en ligne perpendiculaire vers la ferme de Beauregard et un peu au-delà, hors de la vue de la forteresse, puis une ligne oblique jusque devant toute l’étendue de son front sud.

Ce chemin couvert, dont la double levée était très apparente, il y a quelques années à peine, dans tout son parcours, a disparu en partie, mais seulement en dessous de la ferme de Beauregard, par suite de la construction de la route et du chemin qui vient s’y raccorder.

On peut induire de la vue des lieux que la Motte Champlay fut emportée d’assaut.

La maison-fort de Tannerre, ne pouvait seule offrir une sérieuse résistance, elle dut être occupée par les anglais en même temps que la forteresse.

Knolles prit ensuite et occupa successivement Malicorne, Régennes, Ligny le Chatel et Auxerre. Cette dernière ville fut pillée, rançonnée et démantelée, et toutes les richesses et les femmes qui tombèrent au pouvoir du vainqueur furent enfermées dans les places stratégiques conservées par lui.

La désolation, alors fut partout, et ainsi dit Froissard, était le royaume de France, pillé et dérobé, on ne savait de quelle part chevaucher qui on ne fut jeter à terre. Occupé exclusivement à se maintenir dans Paris le Dauphin avait longtemps oublié qu’il devait faire quelque chose pour ladélivrance des provinces et prendre quelques soucis de sa gloire.

Robert de Fiennes parut enfin dans l’Auxerrois à la tête de cent cinquante mille hommes, mais il n’y entreprit rien qui fut efficace ou digne de la France, et se borna à une simple démonstration qui devint l’occasion, bien plus que la cause du traité signé à Auxerre le premier dimanche de 1359.

A la lecture de cet acte, on ne peut se défendre d’un sentiment de douleur, de voir un connétable de France, à la tête d’une grande armée, traiter comme de puissance à puissance, aux conditions les plus dures et les plus ignominieuses avec deux chefs d’aventuriers : Jehan de Dalton, chevalier, et Dominique de Kalton, Anglais, Capitaine de Regennes et de la Motte Champlay.

Il fut convenu que dans le délais d’un an, « ces deux capitaines abandonneraient les deux forteresses en prenant 10 jours de terme pour les avoir garder, et détruire en la manière qu’il semblera à bien, et que pendantcette année, ils ne pourraient prendre fort, Chastel en ville emparée ou à emparer par larcin ou autrement ne porter dommage, ne faire guerre aucune et pays rançonner aux dites forteresse de Ligny le Chastel, ni chevaucher ces dits pays si ce n’est en compagnie du Roy d’Angleterre et de ses enfants ou du Duc Lacoste ou d’autre lieutenant du dit Roy d’Angleterre.  Les deux capitaines s’obligèrent également, tant qu’ils seraient à Regennes et à la Motte Champlay de laisser passer et repasser tant par yane que par terre, toutes manières de marchandises paisiblement sans en faire empêchement aucun et ouvrir la rivière de l’Yonne tout comme ils seront ….en des lieux parmi ce que de tous les vins, que nous et les gens de pais voudront passer ou faire passer par leurs détroits, aurait pour vingt queues de vins trois moutons d’or. »

Pour les officiers de Regennes, le sire de Fiennes, s’obligea en outre à payer aux deux capitaines, « une somme de vingt six milles florins en moutons d’or et il fut réservé à ces derniers tant qu’ils seraient à Regennes et à la Motte Champlay, le droit de prendre de toute manière des vivres pour eux, leurs chevaux et garnisons tant comme il leur plaira sans empêchementet de pouvoir eux leurs gens et valets avec leurs chevaux aller quérir des fourrages et de tous autres vivres à quelle heure il leur plaira sans autre mal faire. »

Il faut stipuler enfin que si les capitaines avaient à leur départ des gens ou des chevaux malades, ils pourraient les laisser jusqu’à guérison où bon leur semblerait, et qu’il leur serait alors délivré un sauf conduit pour se rendre au lieu qu’il leur plairait et notamment en la forteresse de Malicorne à Merry ou Château Neuf sur Loire. En exécution de ce traité et de la paix générale, le Roy d’Angleterre par lettre patente donnée à Calais le 28 octobre 1360 chargea William Graunson A. Michel de Tamrott de faire évacuer les places occupées par ses troupes et spécialement Regennes, Legny, Malicorne et la Motte Champlay. C'est alors que cette dernière forteresse fut détruite. Quant à Tannerre il n’était plus déjà qu’un amas de ruines. L’abbé Leboeuf dans ces mémoires sur l’histoire civile d’Auxerre donne à entendre que la forteresse de Champlay, qui a donné lieu au traité du 1er décembre 1959 était située à Champlay près de Joigny et non à Champlay près de Tannerre.

M Chotte dans sa notice historique sur Malicorne le dit en termes exprès. Trompés par le texte ambigu de ce traité, ces deux auteurs ont fait une confusion d’autant plus facile qu’ils n’ont pas eu besoin pour l’objet de leurs études, de recourir aux sources que nous avons du consulter au projet des nôtres et qui seules pouvaient éclaircir la question.

Les détails que nous venons de donner l’eut il suffisamment éclairci !Il est permis de le penser, cependant nous avons compris que l’autorité des hommes avec lesquels nous sommes en désaccord sur ce point, nous obligeait en quelque sorte à garder la défensive et à prouver deux fois pour que la vérité nous demeurait définitivement acquise.

Nous nous sommes assurés dans ce but, d’une part qu’il n’existe à Champlay, près de Joigny aucun lieu sous le nom de la Motte, et d’autre part que les notaires et officiers de justice exerçant à Tannerre ont constamment jusqu’au jour de la suppression des justices seigneuriales désigné cette paroisse sous le nom de Tannerre - Champlay ou Champlay – Tannerre.

Nous nous sommes assurés également que tous les habitants de Tannerre ont pu enlever une partie plus ou moins notable, suivant leur age, des matériaux arrachés aux murs de la Motte ou forteresse de Champlay pour être employés à des constructions modernes.

Nous ferons remarquer, enfin que rien, dans le traité de 1359 que nous avons cité, autant que possible, ne contredit l’existence de cette forteresse au lieu où nous l’indiquons et qu’il en résulte au contraire de ses termes exprès que le péage imposé aux auxerrois pour la navigation des vins sur la rivière l’Yonne ne devait profiter qu’aux officiers de Regennes. Stipulation exclusive, qui évidemment ne se serait pas trouvé dans le traité, si les vins après avoir franchi le passage de Regennes, avaient pu être capturés par la garnison de la Motte Champlay.

A ceux qui ne seraient pas encore entièrement convaincus, nous citerons comme témoignage authentique le terme d’un acte … et de dénombrement du 21 mars 1951[1]. Peu ancien il est vrai, mais qui n’a pas été fait pour la question et qui comme le notaire prend soin de l’indiquer a été dressé sur les copies des précédents aveux. Le mandataire des dames de Tannerre Champlay déclare dans cet acte :  « qu’elles … à plein fiel foi et hommage de mon seigneur et possédant la terre et seigneuries de Champlay, en laquelle de toute ancienneté a eu, en la montagne qui est au-dessus de Tannerre du coté de Louesme Château forteresse emparé de tours, grands édifices de murs, basse cour et clôture de murs le tour du dit château entouré de fossés doubles, lequel château a été abattu durant la guerre des anglais et Bourguignons. Comme aussi tenir en fief foi et hommage de mon dit seigneur LE Peletier des forts, à cause de son château de Saint Fargeau la maison fort du dit Tannerre situé et aussi de l’église du dit Tannerre dans la vallée a coté de la rivière de Branlin, qui fut autrefois abattue et brûlée et depuis réparée et fait for. …. Avoué pour les dites dames, …et dites terres et seigneuries halles et droits de foires et marchés en la ville de Tannerre qui ont été discontinués par les guerres et que le pays a été inhabité, se tenant vieux marché ordinaire tous les mercredi de chaque semaine. »

Tannerre comme nous le verrons fut près de deux siècles à se relever de ses ruines.

A Guy succéda Anne de Vallery, qui épousa Jean de Courtenay seigneur de la Ferté Loupière, elle était veuve sans enfants en 1412 et fit donation en 1417 de la seigneurie de Tannerre à Jean de Courtenay fils de Pierre et D’Agnès de Melun cousin de son mari et déjà seigneur de Bléneau et de Champignelles. Celui ci épousa Catherine de L’Hospital le 12 janvier 1423 et se trouvait depuis longtemps en possession du titre de seigneur de Tannerre quand sa donatrice mourut.

Nicolas de Dicy se trouvant alors le plus proche parent d’Anne de Vallery prétendit que la donation de 1417 était entachée de nullité. Il céda ses droits sur Tannerre à Gaspar Rureau, seigneur de Villemomble, et celui ci parvint à se faire reconnaître légitime possesseur de la chatellerie litigieuse au terme d’une transaction du 17 décembre 1457. Gaspard Rureau est l’un des plus illustre seigneur de Tannerre. D’abord capitaine de Poissy et du château du Louvre, puis payeur des armées du Roy, il servit au siège de Meaux en 1439 et fut nommé provisoirement au mois d’avril 1441, Maitre d’artillerie. Il se signala en cette qualité à la prise de Bayeux en 1450 au siège de Bayonne en 1451 et à la bataille de Castillon en 1453. Louis XI à son avènement, le nomma en récompense de ses grands services, général réformateur et visiteur des œuvres et ouvriers du royaume tant de charpenteries que de maçonneries par lettre patente du 15 septembre 1461. Nommé chevalier en 1464, il mourut en 1469. Ses armes étaient d’azur sur chevrons potencés et contre potences d’or, rempli de sable, accompagné de 3 braises d’or.

Nous arrivons à l’époque où Tannerre va perdre son aspect misérable et revenir à son ancienne prospérité, grâce aux efforts honorables de Jacques Dupé qui succéda au Maître d’artillerie comme seigneur de Tannerre et de quelques-uns uns de ses descendants. Le dernier soin de Jacques Dupé pour fixer une population active et laborieuse dans ses domaines, fut de rendre à Tannerre autant que possible, les garanties de sécurité que lui donnait autrefois la Motte Champlay.

Un nouveau système de défense en harmonie avec les ressources du seigneur et de ses vassaux, fut adopté en conséquence. Il consiste en une enceinte continue de fossés interrompue seulement par deux portes. L’une à l’est, l’autre à l’ouest du bourg qui prit depuis le titre de ville.

Une porte de l’église était restée debout, elle fut correctement réparée et complétée par la reconstruction du chœur, au-dessus duquel s’élevait primitivement le clocher. Le nouveau clocher fut édifié contre le portail ouest auquel il servait à la fois de porche et de contrefort. Le choix de cet emplacement et la forme massive et sans grâce de la tour furent toutefois moins une œuvre de mauvais goût qu’un moyen de défendre la partie la plus accessible du bourg ainsi qu’on peut s’en convaincre par la grande épaisseur des murs et des 3 meurtrières qui y sont pratiquées.

Enfin la date de 1503 inscrite sur une des pierres de la façade ouest de cette tour ne laisse non plus aucun doute sur l’époque de sa construction. Si l’on ajoute à ses travaux la reconstruction de la maison-fort on trouvera certainement dans cet ensemble peu de grandeur, mais ils eurent sûrement une valeur relative suffisantepour donner bientôt à la nouvelle ville urne importance telle qu’elle put obtenir le rétablissement de ses foires et de son marché hebdomadaire.

Jacques Dupré avait épousé Antoinette de Choisy, il mourut en 1390.

Pierre Dupré, un de ses enfants lui succéda comme seigneur de Tannerre. Il épousât en premières noces M de la Châtre fille de Joachim seigneur de Noncay, Capitaine de la grosse tour de Bourges et de Françoise Foucher, en seconde noces e 26 juin 1549 Jeanne Darpajon, Sénéchal de Rhodès de dame de Bourbon, dame de Mirabeau, Lorme Dupré, qui devint après son père seigneur de Tannerre et épousa Madeleine d’Orléans fille de Jean seigneur de Rène et de Gabrielle de la Marche, fut la gloire de sa maison et la terreur de l’Auxerrois.

Henri III venait de tomber sous le poignard de Jacques Clément et de succomber. Charles de Bourbon sous le nom de Charles X et Henri de Navarre sous le nom de Henri IV se disputaient la couronne de France suivant ses forces et ses moyens, les religions catholiques et protestantes, les parlements de Paris et de Tours, le nord et le midi de la France, le peuple et la noblesse, l’esprit d’unité et l’esprit féodal.

Tout le comité d’Auxerre et la plupart des places voisines reconnaissaient l’autorité de Charles X. Quelques capitaines de partisans tenaient seul la campagne pour Henri IV.

Lorme Dupré fut bientôt le plus audacieux, le plus habile et le plus célèbre de ces capitaines. Comme son roi il avait contre lui le nombre et la puissance, mais il avait comme son roi, l’activité qui multiplie la force, l’intelligence qui y supplée et le courage qui la brave. Il savait enfin comme son roi, joindre à la valeur de l’homme d’épée l’art du politique et il ne manqua guerre au seigneur de Tannerre qu’un théâtre plus digne de lui.. Au mois d’avril 1590, on annonça à Auxerre qu’il allait faire une tentative sur cette ville et l’alarme s’y répandit aussitôt. Tous les postes furent garnis avec soin, tous les suspects furent jetés en prison, mais le capitaine Tannerre, c’est ainsi qu’on l’appelait, ne vint pas et les Auxerrois en furent quittes pour la peur. Il n’en fut pas de même des habitants d’Ouanne surprise à l’improviste et enlevée d’assaut, leur ville n’opposa guerre aux vainqueurs qu’un noble défenseur, le sage de Jussy qui tomba dans la lutte mortellement blessé.

Pendant que Cravant et Toucy étaient tenues en échec, une tentative des plus hardies fut tentée sur Joigny par les capitaines Tannerre et La Bourdinière. Il s’introduisirent dans la ville par une brèche pratiquée secrètement et y firent éruption à la tête de 400 hommes, le 22 novembre 1391 mais ils furent vigoureusement repoussés et ce dernier blessé dans la retraite alla mourir à Saint Maurice.

Tannerre cependant continua de tenir campagne et se rendit si redoutable qu’une trêve fut sollicitée de lui et obtenue. L’influence qu’il s’était acquise sur les autres capitaines était si grande que tous se crurent obligés par l’engagement qu’il avait contracté sans leur participation dans l’Auxerrois. Mais le Maréchal Béron apparut au milieu de cette trêve dans l’Auxerrois, y leva une contribution de guerre et se retira laissant les deus parties continuer la suspension d’arme. L’inaction toutefois ne pouvait contenir au Capitaine Tannerre. La trêve enfin expira le 31 décembre 1593. Le 27 Janvier après avoir joint ses forces à celles du capitaine de Champlivault, il enlevait Villeneuve le Roi, le 16 Mars il s’emparait sous les yeux de la garnison d’Auxerre de tous les vins du village de Champ et les vendit à vil prix, le 18 il paraissait devant Auxerre, le guetteur de la tour du pont sonnait l’alarme et toute la ville était dans l’agitation, le 19 il recevait la capitulation de Jussy, et le 1er avril il établissait son quartier général au Faubourg Saint Germain d’Auxerre.

Le corps municipal s’assemble aussitôt à l’hôtel de ville et députe deux commissaires au Capitaine Tannerre pour solliciter une nouvelle suspension d’armes. Celui ci accorde un délai de 15 jours, mais il exige que le maire vienne conférer avec lui.

Ce magistrat satisfait le 2 à cette condition et se fit précéder par l’envoi des meilleurs vins de la ville offerts en présent au Capitaine, et la conférence commença sous ces heureux hospices. L’entrevue dura trois quarts d’heure. Elle eut du reste tous les résultats qu’en attendait Tannerre, car dès le lendemain la division était dans la ville et l’on n’y pouvait guère plus compter sur l’obéissance des soldats que sur la fidélité des bourgeois. Le 7 les habitants réunis en assemblée généralefirent leur soumission à Henri IV, et chargèrent une députation de lui en porter la nouvelle.

Cette habile négociation value au Capitaine Tannerre les plus grands éloges et la charge de bailli d’Ouanne dont il prit possession le 30. Le même jour il obtenait la remise du château de Regenne, et quand le 2 mai le Maréchal arriva pour en faire le siège, il trouva la place soumise et prête à recevoir garnison. Le 3 Tannerre accompagne le Maréchal au siège de Coulange la Vineuse, qui bientôt ouvrit ses portes et le 7 il était rendu à ses fonctions et recevait le serment de fidélité des chamoines, des bénédictins et des cordeliers.

Une honorable récompense était due au capitaine Tannerre, le roi ne l’avait pas fait attendre, mais il avait dans le choix manqué de convenance pour une ville dont il avait accepté la soumission avec joie et de politique au point de vue de ses propres intérêts. Aussi Tannerre ne put il faire oublier aux auxerrois qu’il avait vendangé leurs vignes, ruiné leur commerce et rançonné leurs habitants surpris dans la campagne. Le zèle du magistrat ressemblait trop pour eux à l’insolence du vainqueur. Tannerre fut assassiné. Il y avait moins d’un mois qu’il exerçait la charge de bailli.

Eustache Dupré son fils qui lui succéda comme seigneur de Tannerre prit le titre de Baron. Il était chevalier en 1609 et enseigne de la compagnie des gardes de Monsieur en 1613. Il avait épousé Anne Havelin et mourut en 1631.

Tannerre continua sous ses successeurs à porter le titre de baronnie, il appartint à ses deux filles, d’abord Madeleine, née le 2 septembre 1612 et mariée à Henri de Boullainvillier, puis à Françoise née en 1613 et mariée à Jean Henri de la Salle



[1] Cet acte est déposé aux archives départementales.